Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Adrien and the Far Side of the World
Derniers commentaires
25 novembre 2008

Journal de Bord - L'Archipel Crozet // Board Diary - The Crozet Archipelago

Lundi 10 novembre 2008

Je me suis levé tôt ce matin, 6h30, alors que la brume écrasait encore l’océan de son omniprésence. Le Marion, au repos, avait déjà atteint l’Ile aux Apôtres, première des trois îles de l’archipel Crozet au large desquelles il devait croiser aujourd’hui.

Calme infini, la passerelle tribord est abandonnée à la solitude. Seuls, Yoann et moi, bravons le mordant de l’aube grandissante. En face, émergés de l’océan et des nuages, quelques rochers audacieux brisent la marée et encadrent, gardes immuables, le roc principal formant l’île. Etranges apôtres, il est vrai. Le temps n’a pas prise ici, que siècles ou minutes défilent, il en sera de même. L’océan préserve jalousement son joyau dans un écrin opaque et grisâtre, nul romantisme n’est permis. Point d’ode aux amours, mais au vertige. Vertige de murs rocheux plongeant subitement aux abysses. Vertige d’un roc d’oxymore, aspirant l’océan tout entier vers l’oubli. Vertige face à la force, la persistance obstinée de la nature, à s’ériger, ici aussi, encore et toujours, telle puissance infinie.

Il est temps, les machines s’activent, les moteurs ronronnent, une fois de plus, prémices d’un nouveau cap, l’Ile aux Cochons.

Aux premiers abords, l’ambiance ne change guère. Arrivée, sans surprise, sur un océan à l’horizon bouché. La nasse est néanmoins plus élevée. L’Île aux Cochons, voici un nom bien étrange pour un morceau de terre australe. Mais même en ces lieux reculés, un nom aberrant se justifie. Il fut un temps où baleiniers et phoquiers arpentaient cet océan. Il fut un temps où celui-ci vengeait ses enfants, brisant navires, marins et espoirs sur les îles, alors pièges sans nom, mais non sans dangers. Le naufragé, rescapé de la furie maritime, devait encore combattre le froid, et la faim. Alors, dans cette guerre du plus faible au plus fort, on déposa des cochons sur un des membres de l’archipel, en attente des naufrages à venir, pour se nourrir.

La voici, l’île, qui se révèle au fur et à mesure de l’approche du navire. De brèves falaises précèdent des pentes douces s’égarant rapidement dans les brumes persistantes. En certains points, les colères tectoniques ou volcaniques ont érigé d’imprenables forteresses surplombant l’océan. En d’autres, les pentes vertes et douces ont forcé le destin, et plongé jusqu’à la mer. Cette terre est vaste, la plus vaste de l’archipel, et offre ainsi un refuge propice aux nuages croisant dans les cieux séant.

Pourtant, le vent du large semble cette fois ci vouloir nous être clément. Subrepticement, les flancs de l’île se dégagent jusqu’à révéler soudaine les cimes dominant l’édifice. Le vent balayant inlassablement l’endroit, des ribambelles de nuées voilent par à-coups azur et terre promise. Soudain, elle se distingue. La colonie. Une multitude de manchots peuple les abords premiers de l’océan. Mais, persévérants, les pédestres volatiles ont su affronter les reliefs jusqu’à occuper un plateau supérieur, situé à quelques 100 ou 200 mètres au dessus du niveau de la mer. Phénomène remarquable et unique de colonisation pour les manchots royaux dans l’ensemble des terres australes.

Le navire continue sa route, longeant les côtes de l’île face à la manchotière, offrant ainsi un remarquable panorama de longues minutes durant. Arrivé au bout de l’île, à l’extrémité de laquelle veille, contemplatif, un improbable lapin de roc, le bateau change finalement de cap en direction de la troisième et dernière étape de la journée, l’Ile aux Pingouins.

A nouveau, la brume nous engloutit. Plus de perspectives. Des vents violents frappent le navire tandis que les vagues soulèvent inlassablement l’esquif, incitant les voyageurs à trouver refuge sur la passerelle. Finalement, un roc apparaît, littéralement écrasé sous l’implacable densité nuageuse.

Fantomatique, l’île approche. De vertigineuses falaises semblent veiller sur la partie orientale. Les nuages eux-mêmes s’y éventrent, s’y recroquevillent un instant, avant de fuir, la chair en lambeaux. Et une fois de plus, la brise nous est favorable. A son bon vouloir, les nuées s’écartent et dévoilent un étonnant enchevêtrement de pics, d’arêtes et de falaises, tranchant impitoyablement l’azur un instant libéré par la force des vents.

La terre la plus hostile de l’archipel Crozet se présente face à nous. Profil bas et émerveillement. Une citadelle imprenable fut érigée par les forces terrestres et le hasard en ce milieu de nulle part. Une gigantesque garnison de Gorfous Macaroni la défend malgré tout, sans sourciller, fière et fidèle, qu’importe l’espace, qu’importe le temps. Des tours noires de basalte les protègent, ou les menacent, en retour. Ici aussi, le temps n’a pas de prise, mais révèle son œuvre. Il a taillé la roche, et frappé les esprits, découpant une arche insolite au pied de la muraille délavée faisant pièce maîtresse du bastion ici établit. Illusion de bon accueil, elle n’invite qu’à la ruine contre la seconde paroi, contrefort symétrique formant un corridor tumultueux et inhospitalier.

Plus loin, la nature a établi ses dépendances. De meurtriers et médiévaux créneaux découragent toute illusion de conquête. L’homme n’a ni prise, ni asile, en ce lieu. Les parties supérieures semblent pourtant accueillantes, mais l’audace s’arrête où l’impuissance commence. Ici, au moins, l’Univers tout entier garde la main.


Mardi 11 novembre 2008

A l’heure du premier service, les mariniers ont lancé machines hier soir, pour marquer le départ définitif du navire des îles Crozet. (…)

A table, nous avons pu admirer les reliefs de l’Ile de l’Est défiler derrière les fenêtres. Un entremêlement vertigineux de roches basaltiques plongeait directement dans l’océan. Sur les sommets, quelques névés de neige, fièrement accrochés, rappelaient la rudesse du climat de l’endroit présent. Une fois de plus, les nuages s’étaient écartés, pour révéler la démesure de ce nouvel édifice.

Il respirait néanmoins ici les parfums d’un autre temps, d’un autre lieu, de pièges familiers. N’était l’océan libérant l’île, l’allure si escarpée, sauvage, fière et hérissée de pic rappelait cette si chère chaîne de Belledonne. En sentiment déroutant de familiarité, perdue, ici, au bout du monde.

Le périple continue aujourd’hui, inlassablement, sur une mer tranquille mais noyée par la brume. Rien de plus à ajouter.

Monday, 10th of November 2008

I woke up early this morning, 6.30am, as the mist was still crushing the ocean of its presence. The Marion, resting, had already reached the Apostles Island, first of the three islands of the Crozet Archipelagos we were to see this day.

Infinite peace, the starboard footbridge is abandoned to loneliness. Alone, Yoann and I, we brave the bites of the growing dawn. In front of us, emerged from both ocean and clouds, some bold rocks break the tide and frame, unmovable, the main rock of the island. Strange apostles, that’s true. Time has no grip in there, may centuries or minutes come and go, it would be the same. The ocean jealously preserves its jewel in an opaque and grey case, no romance is allowed. No ode to loves, but to vertigo. Vertigo of rocky walls plunging to abyss. Vertigo of a contraste rock, sucking the entire ocean to oblivion. Vertigo facing the force, the stubborn persistence of nature, erecting itself, here as well, again and ever, like infinite power.

It is time, machines start, sounds of engines, once again promises of a new cape, the Pigs Island.

At a first time, the atmosphere doesn’t change so much. Arrival, with no surprise, on an obtruded horizon ocean. The clouds are however a bit more high. Pigs Island, this is such a strange name for a piece of austral ground. But even in these isolated places, an aberration is justified. There was a time whales and seals hunters were cruising on this ocean. There was a time when this ocean took revenge for his children, breaking boats, marines and hopes on island, at this time no-named traps, but not without dangers. The castaway, escaped from marine fury, still had to fight cold, and hunger. Then, in this war of weaker to stronger, one deposited pigs on one of the islands of the archipelago, waiting for the shipwrecks to come.

Here it is, the island, revealing itself during the approach of the boat. Brief cliffs precede soft slopes quickly losing themselves in persistent mists. In some point, ground or volcanic angers erected impregnable fortresses above the ocean. In others, green and soft slopes forced the destiny, and plunged until the sea. This ground is vast, the widest of the whole archipelagos, and offers a conducive refuge to the clouds cruising in these skies.

However, wind from the ocean seems this time to have mercy for us. Gently, the slopes of the islands make themselves clearer, until suddenly revealing the summits dominating the edifice. The wind constantly sweeping the place, pieces of clouds sometimes hide both azure and promised land. Now, it is viewable. The colony. A lot of penguins live along the ocean. But, persevering, some of them knew how the face the relieves until occupying an upper plate, located at something like 100 or 200 meters above the level of the sea. Outstanding and unique phenomenon of colonisation for Royal Penguins in whole austral areas.

The boat keeps on leading its way, riding along the coasts in front of the “manchotière”, offering an outstanding view for long minutes. When arriving at the end of the island, a point at which an unexpected rocky rabbit keeps watching the horizon, the boat finally changes the cape in the direction of the third and last step of the day, the Penguins Island.

Again, mist gobbles us. No longer perspectives. Violent winds hit on the boat as waves keep on elevating the ship, incitation for travellers to find a refuge on the footbridge. Finally, a rock appears, completely crushed under the implacable clouds density.

Ghost, the island approaches. Some dizzy cliffs seem to keep on watching on the eastern part. Clouds themselves tear up their belly, huddle up for one moment, before fleeing, flesh in pieces. And one more time, wind is favourable. To its good will, clouds open themselves and unveil an astonishing tangle of peaks, ridges and cliffs, mercilessly trenching the azure, one moment made free by the force of the winds.

The most hostile land of the Crozet archipelago is standing in front of us. Humility and wonder. An impregnable citadel was erected by earth forces and chance in this middle of nowhere. A giant garrison of Macaroni Penguins defends it, still, without bating an eyelid, proud and faithful, no matter space, no matter time. Some dark towers of basalt protect them, of threaten them, in return. In there as well, time has no grip, but reveals its work. It carved the rock, and stroke the spirits, cutting an unusual arch at the foot of the faded wall making itself master piece of the here installed bastion. Illusion of welcome, it only invites on ruin on the second cliff, symmetrical wall forming a tumultuous and non-welcoming corridor.

Further, nature established its dependences. Murdering and medieval windows discourage any illusion of conquest. Man has no grip, nor asylum, in this place. The upper part seem welcoming yet, but boldness stop where powerlessness starts. Here, at least, the entire Universe keeps the hand on.

Tuesday, 11th of November 2008

At the time of first service, marines have launched the machines yesterday evening, to signal the definitive departure of the boat from the Crozet Islands. (…)

From our seats, we could admire the relieves of the Eastern Island parade behind the windows. A vertiginous intertwining of basaltic rocks directly plunged to the ocean. On the summits, some remaining of snow, proudly hanged up, reminded the rudeness of the climate of this place. One more time, clouds had opened, to reveal the excess of this new edifice.

Perfumes of other times, in other places, familiar traps, where nevertheless breathing in here. Wouldn’t be the ocean making the island free, this so much escarped, wild, proud and ruffled of peaks place reminded me this so much dear chain of “Belledonne”. A bewildering feeling of familiarity, lost, here, at the end of the world.

The trip goes on today, on a quiet sea, but drawn by the clouds. Nothing more to add.

Publicité
Commentaires
Adrien and the Far Side of the World
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité