La Vie sur Base - La Chasse // Life on Base - Hunting

Lundi 1^er décembre 2008

A 3 heures du matin, la base, abrutie de sommeil, dort profondément. Seules quatre personnes dérogent à cette règle : Inel, Nicol, Bruno et moi-même. Nous nous apprêtons à partir chasser la vache, dans les pâturages dominant la base. Bruno et moi faisons office d’accompagnateur pour assister Inel, chasseur, et Nicol, boucher, au cours de la chasse.

Il faisait nuit noire quand je me suis levé à 2h50 et quand j’ai gagné le « Skua » à 3h pour retrouver mes compères. Alors que nous partons à 3h30 par le chemin du sud de la base, quelques faibles lueurs, à l’est, s’arrachent péniblement de l’obscurité, et signalent l’approche grandissante du soleil. Les bâtiments émergent, comateux, du sombre fond nocturne dans lequel ils sont encore principalement plongés. Après avoir franchi la barrière indiquant la limite sud du périmètre de la base, un formidable panorama s’offre à nous. Alors que le ciel et la mer semblent se noyer l’un dans l’autre, l’Austral, lui, plane au cœur de cet intense trou noir, et matérialise par la même la frontière entre air et eau. Alors que le bateau s’illumine des mille feux de ses projecteurs, le halo de lumière qui l’embrase se réfléchit sur le film plat et huileux de l’océan, tandis qu’il s’égare au dessus, dans les méandres de la nuit.

Nous quittons rapidement le chemin pour marcher plein sud et gravir les pentes de l’île en direction des deux cratères de Vénus. Pour l’instant, aucune vache n’est visible. Le sol dessine ici encore son relief torturé, déchiqueté par de petits vallons s’écoulant des cratères jusqu’à la mer, vestiges d’ancestrales colères volcaniques des Vénus. La lumière toujours grandissante à l’est révèle peu à peu la végétation, majoritairement rase, cette terre constituant une des aires de prédilection pour les bovins baguenaudant et maraudant de nuit, tandis qu’ils gagnent les hauteurs quand semble poindre l’aube au-delà des Vénus. Ceci est la principale raison pour laquelle les chasses sont si matinales, puisqu’elles permettent de surprendre les troupeaux alors qu’ils regagnent leurs pénates diurnes.

Puisque aucun mouvement ne semble pouvoir être identifié à proximité des Vénus, nous nous orientons vers l’ouest, gravissant les pentes à flanc de coteau, en espérant intercepter un troupeau lors de sa migration matinale.

Il est prêt de 4h15 quand nous passons en amont de la cabane Antonelli. Le ciel qui, à notre départ, hébergeait un inlassable scintillement d’étoiles, a maintenant viré au bleu azur intense, illuminé par le soleil grandissant, cependant encore masqué par les crêtes orientales de l’île. Nous dominons la Pointe Bénédicte et la Pointe de la Recherche, toutes deux perchées au dessus de l’océan, qui étale ses multiples nuances de bleu sombre, telle une farouche bravade à l’égard de l’azur séant. L’île, elle aussi, n’est pas en reste, et dévoile toute la gamme de ses couleurs végétales, délicatement léchées par les premiers rayons solaires franchissant résolument la barrière orientale.

En haut, nous sommes encore bercés d’une fraîche pénombre. Mais la clarté en aval a indiqué à un troupeau l’imminence du départ vers les hauteurs. Des dizaines de bovins remontent lentement au creux de vallons dont l’herbe a été raréfiée et tuméfiée, au grès de leurs pérégrinations. Les vaches ne nous ont pas remarqués. Comme depuis le départ depuis la base, Inel ouvre la marche, et oriente l’approche idéale en direction du troupeau. Puis nous fait signe de nous arrêter, un groupe défile doucement, à une distance comprise entre 50 et 100 mètres environ. Inel s’avance seul, jusqu’à un repli de terrain surplombant la petite colonie en vadrouille.

Environ 3 minutes et 3 balles plus tard, ce sont 3 vaches qui sont passées de vie à trépas ce matin. Vite, il faut préparer les dépouilles des bovins en moins de 30 minutes, sans quoi la viande sera gâtée et impropre à la consommation. C’est alors au tour de Nicol d’entrer en piste. Tandis que Inel est parti attendre Lionel et son tracteur en route depuis la base, il ouvre les vaches par le ventre, avec l’aide conjuguée de Bruno et moi, afin d’extraire la panse contenant l’estomac et les intestins. Nous réalisons cette opération sur les 3 prises de la journée, tandis que les skuas, charognards sournois et opiniâtres, trépignent à la vue des cadavres frais étalés dans l’herbe.

Nous vidons également les vaches du sang contenu dans leur abdomen, alors qu’une odeur fétide de sang noir, de poils souillés, de boyaux, et de mort, nous saisit à la gorge. Après cela, Nicol vérifie les ganglions, qui ne doivent en aucun cas être blancs, sans quoi la viande ne pourrait pas être consommée, la vache étant potentiellement malade.

Lionel arrive quelques instants après avec son tracteur. Nous arrimons solidement les 3 bêtes au palan à l’avant, tandis que le soleil a enfin fait irruption sur les coteaux, comme pour saluer le festin à venir des skuas, auxquels nous abandonnons l’ensemble des abats et boyaux. Il est temps de rentrer sur base prendre un petit déjeuner, après une longue marche. Les vaches nous ont en effet éprouvés aujourd’hui, puisqu’il aura fallu crapahuter plus de 1h30 pour les trouver. Nous regagnons alors la base autour de 7 heures. Après avoir bu un café et mangé quelques tartines, nous nous rendons à l’abattoir pour suspendre les bêtes avant qu’elles ne soient dépecées et découpées par les soins de Nicol.

Monday, the 1^st of December 2008

3am in the morning, the base, dazed of sleep, deeply sleeps. Only 4 persons depart from this rule: Inel, Nicol, Bruno, and me. We get ready to leave hunting the cow, in the fields dominating the base. Bruno and me act as accompanier to help Inel, hunter, and Nicol, butcher, during the hunting session.

Night was completely dark when I woke up at 2.50am and when I joined the “Skua” at 3am to find my comrades. When we leave at 3.30am taking the way in south of the base, some weak lights, in the east, laboriously extract itself from darkness, et signals the growing approach of the sun. Buildings emerge, comatose, from the dark night background in which they are still mainly dived. After going through the barrier indicating the southern limit of the base perimeter, we are offered a formidable view. As the sky and the sea seem to drown in each others, the “Austral”, fishing boat, glides in the heart of this intense black hole, and realizes the frontier between air and water. As the boat is illuminated by the thousand fires of its spotlights, the halo of light setting it aglow reflects on the flat and oily film of the ocean, when it loses itself above, in the meanders of night.

We quickly leave the way to walk straight to the south and climb upon the slopes of the island in the direction of the two craters of Venus. For now, no cow is visible. Once again the floor draws here its tortured relief, slashed by small valleys running out from the craters to the sea, ancestral vestiges of volcanic angers of the Venuses. The light is still growing to the east, gradually revealing the mainly short-pile vegetation, this ground being one of the predilection area for bovines strolling and thieving by night, as thy reach the upper areas when the dawn seems to drawn upon the Venuses. This is the main reason why hunting sessions are so early in the morning, since they permit to surprise herds as they join back to their diurnal penates.

Since no move seems to be identified close to the Venuses, we orientate ourselves to the west, climbing the slopes along the flanks of the hillsides, hoping we could intercept a herd during its morning migration.

It is almost 4.15am when we pass above the “Antonelli” hut. The sky which, at departure, was hosting an unflagging scintillation of stars, now turned to a blue intense azure, illuminated by the growing sun, however still hidden by the oriental ridges of the island. We stand over the “Pointe Bénédicte” and the “Point of the Research”, both of them being perched over the ocean, which spreads its multiple nuances of dark blue, such a timid bravado to the azure standing here. The island has no rest, et unveils all the range of its vegetal colours, delicately licked by the first solar rays getting over the oriental barrier.

On top, we are still rocked by a fresh shadow. But the brightness from the downstream side indicated to a herd the imminence of the departure to the high parts. Tens of bovines slowly go up in the hole of small valleys which grass has been rarefied and swollen, during their peregrinations. The cows didn’t notice us. Like since the departure from the base, Inel walks first, and orientates the ideal approach in the direction of the herd. Then signals us to stop, a group softly walks in procession, in a distance included between 50 and 100 meters. Inel goes forward alone, until a fold in the land dominating the small colony.

About 3 minutes and 3 bullets later, 3 cows departed their life this morning. Quickly, the hides of the bovines have to be prepared in less than 30 minutes, unless what the meat wood be spoilt and not proper to consummation. It is then the turn of Nicol to be into the ring. As Inel left to wait Lionel and his tractor on his way from the base, he opens the cows in the belly, helped by Bruno and I, and extracts the paunch containing the stomach and the intestines. We realize this operation on the 3 cows taken today, as the skuas, crafty and stubborn carrion-eater, stamp their feet seeing the fresh carcasses lying in the grass.

We also make the cows empty of the blood contained in their abdomen, when a fetid smelling of black blood, soiled hair, guts, and death, takes us to the throat. After this, Nicol checks the ganglions, which shall not be white in any case, unless meat couldn’t be consumed, the cow being possibly ill.

Lionel arrives some times later with his tractor. We stow strongly the 3 beasts to the hoist in the front, as the sun finally irrupts on the hillside, as if it wanted to greet the banquet to come for the skuas, whom we abandon the whole of the guts and offal. It is time to go back to base and have a breakfast, after a long walk. Cows indeed put us to the test today, since we had to trudge along for more than 1 hour an 30 minutes before finding them. We reach the base around 7am. After having drank a coffee and eaten some toasts, we go to the slaughterhouse to attach the beasts before the removal of their skin to be made, and their flesh to be cut.